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IV


En quittant le lit de la Saône, creusé au milieu de vertes prairies et sous les fertiles coteaux de Mâcon, et en se dirigeant vers la petite ville et vers les ruines de l’antique abbaye de Cluny, où mourut Abailard, on suit une route montueuse à travers les ondulations d’un sol qui commence à s’enfler à l’œil comme les premières vagues d’une mer montante. À droite et à gauche blanchissent des hameaux au milieu des vignes. Au-dessus de ces hameaux, des montagnes nues et sans culture étendent en pentes rapides et rocailleuses des pelouses grises où l’on distingue comme des points blancs de rares troupeaux. Toutes ces montagnes sont couronnées de quelques masses de rochers qui sortent de terre, et dont les dents usées par le temps et par les vents présentent : à l’œil les formes et les déchirures de vieux châteaux démantelés. En suivant la route qui circule autour de la base de ces collines, à environ deux heures de marche de la ville, on trouve à gauche un petit chemin étroit voilé de saules, qui descend dans les prés vers un ruisseau où l’on entend perpétuellement battre la roue du moulin.

Ce chemin serpente un moment sous les aulnes, a côté du ruisseau, qui le prend aussi pour lit quand les eaux courantes sont un peu grossies par les pluies ; puis on traverse l’eau sur un petit pont, et on s’élève par une pente tournoyant, mais rapide, vers des masures couvertes de tuiles rouges, qu’on voit groupées au-dessus de soi, sur un petit plateau. C’est notre village.