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droit d’aînesse étaient toutes récentes ; elles avaient encore à ses yeux, bien qu’il les trouvãt très-justes, une apparence de compression et de violence faite a l’autorité paternelle. En demander l’application en sa faveur contre son frère aîné lui paraissait un abus de sa situation. Il prit, sans se faire valoir, le parti de renoncer à la succession de son père et de sa mère, et de s’en tenir à la très-modique légitime que son contrat de mariage lui avait assurée. Il se fit pauvre, n’ayant qu’un mot à dire pour se faire riche. Les biens de la famille furent partagés. Chacun de ses frères et sœurs eut une large part. Il n’en voulut rien ; il resta, pour tout bien, avec la petite terre de Milly, qu’on lui avait assignée en se mariant, et qui ne rendait alors que deux ou trois mille livres de rente. La dot de ma mère était modique. Les traitements des places que son père et ses frères occupaient dans la maison d’Orléans avaient disparu avec la Révolution. Les princesses de cette famille étaient exilées. Elles écrivaient quelquefois a ma mère. Elles se souvenaient de leur amitié d’enfance avec les filles de leur sous-gouvernante. Elles ne cessèrent pas de les entourer de leur souvenir dans l’exil et de leurs bienfaits dans la prospérité.


II


Mon père ne se croyait pas relevé par la révolution de sa fidélité d’honneur à son drapeau. Ce sentiment fermait toute carrière à sa fortune. Trois mille livres de rente et une petite maison délabrée et nue à la campagne, pour lui, sa femme et les nombreux enfants qui commençaient à s’asseoir à la table de famille, c’était