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dans ce creux de montagne, dans ces sentiers, dans ces petits prés ombragés de saules au bord de ces ruisseaux entrecoupés d’écluses et de moulins.

La paix rentrait dans mon cœur par toutes les fentes de ce ciel, par toutes les bouffées de cet air libre, par toutes les palpitations de ces feuilles, par tous les gazouillements de ces eaux. Ma mère, heureuse, sereine comme nous, y puisait de plus, dans son allée de charmille, cette piété sensible et lyrique qui faisait chanter éternellement son âme, ou qui plutôt était la seconde âme de cette femme, véritable instrument d’adoration !

Elle y reprit ses habitudes de recueillement, interrompues par la société et la charité, qui se disputaient trop ses heures à la ville. Elle y continuait à mes sœurs, dans les livres d’étude, sur les sphères, sur le piano, devant les modèles de sculpture chaste ou de dessin, les leçons de leurs maîtres. Elle y visitait après ces leçons les malades ou les indigents avec ses filles. Elle y passait ensuite les heures tièdes de l’après-dîner, sur le banc sous les tilleuls, en travail des mains, en lectures à voix basse, en causeries avec quelques bons voisins de campagne qui venaient la visiter de loin, quelquefois en promenades avec nous et en visites à pied dans le voisinage. Ce voisinage était animé, amical, presque une parenté générale entre tous ceux qui l’habitaient. On eût dit qu’elle avait répandu de son âme la simplicité, la candeur, l’affection sur toute la contrée. Elle était en effet pour beaucoup dans cette harmonie générale des cœurs qui s’ouvraient tous devant sa grâce et sa beauté. Il n’y avait pas d’ombre dans l’esprit qui ne s’éclairât quand elle paraissait. Elle réconciliait tout en elle ; c’était la femme de paix. Une haine dans l’âme de quelqu’un contre quelqu’un l’affligeait presque autant qu’une haine