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XLI


Mais ces désœuvrements trompés de ma vie, pendant les séjours de mon père et de ma mère à la ville, ne suffisaient pas pour faire évaporer les tristesses, les mélancolies et l’insupportable ennui que les murs de la ville, et d’une ville quelconque, ont toujours exhalés pour moi. Je hais les villes de toute la puissance de mes sensations, qui sont toutes des sensations rurales. Je hais les villes, comme les plantes du Midi haïssent l’ombre humide d’une cour de prison. Mes joies n’y sont jamais complètes, mes peines y sont centuplées par la concentration de mes yeux, de mes pas, de mon âme, dans ces foyers de regards, de voix, de bruit et de boue. J'analyserais et je justifierais en mille pages cette impression des villes, ces réceptacles d’ombre, d’humidité, d’immondices, de vices, de misère et d’égoïsme, que le poëte Cowper a définis si complètement pour moi en un seul vers :

C’est Dieu qui fit les champs, c’est l’homme qui fit les villes.


XLII


Enfin arriva l’heure d’en sortir et de retrouver, avec ma mère et mes sœurs, l’asile de notre cher et pauvre Milly. Ma mère et mes sœurs partageaient mon sentiment en rentrant dans ces vieux murs, dans ce jardin,