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XXI


Les excès et les crimes de la révolution étaient retombés sur la famille comme sur toutes les familles de la noblesse, de la bourgeoisie ou du peuple de Mâcon. Mon oncle avait été emprisonné avec son père, sa mère et ses sœurs. L’échafaud les avait effleurés de près. Mais l’horreur contre ces démences et ces forfaits de la démagogie n’avaient pas altéré en lui l’amour de la liberté et le goût des institutions constitutionnelles, soit sous une monarchie, soit sous une république bien ordonnée. Il gémissait sur la révolution, il ne la maudissait pas dans son principe et dans son avenir. Le despotisme soldatesque de l’empire l’opprimait et l’indignait. Ce triomphe de la force armée sur toutes les idées et sur tous les droits, ce gouvernement sans réplique, ce dernier mot de toute chose en politique, en philosophie, en religion, donné au canon, cette autocratie de police substituée à toute discussion dans le pays de Voltaire, de Montesquieu et de Mirabeau, lui étaient intolérables. Il ne le déguisait pas. On lui avait offert de le nommer membre du corps législatif, on l’avait tâté sur le sénat ; il avait tout refusé. Il aurait été du petit banc d’opposition des Cabanis, des Tracy ; il n’aurait fait, comme eux et leurs amis, que s’approcher de plus près de la tyrannie pour épier dans l’impuissance ses excès et sa chute, avec l’apparence d’une complicité dans la servitude générale. Il aima mieux rester libre, seul et irresponsable dans sa retraite. Lorsque l’empereur vint à Mâcon et s’y arrêta plusieurs jours, en 1809, il fit appeler mon oncle et eut un entre-