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lier sous le menton, la coiffure en ailes de pigeon, la queue sur le collet, la pommade et la poudre qui voltigeaient autour de sa tête à chaque mouvement de sa conversation. Ses traits étaient originairement purs, fermes, fins, les yeux grands et noirs, le nez modelé comme s’il eût été de marbre, les lèvres minces, presque toujours fermées par la concentration de sa pensée, le teint pâle et transparent, les mains délicates, veinées comme dans les portraits de Van Dyck, avec lesquels, en tout, il avait beaucoup de ressemblance. J’ai ce portrait bien gravé dans ma tête, parce que c’est une des têtes que j’ai eu le plus le temps de bien observer dans ma vie, et que c’est un des hommes qui m’ont fait, dans mes premières années, le plus de peine et le plus de bien. Il a été la sévérité et souvent la contradiction de ma destinée, quoiqu’il n’ait jamais voulu en être que la seconde paternité et la providence.


XVIII


Il était en toute chose le contraste de mon père et la nature la plus diverse de la mienne.

Bien qu’il eût été élevé pour la guerre à l’École militaire, et qu’il eût servi quelques années, comme toute la noblesse de province de son temps, dans les chevau-légers de la garde de Louis XV, ses goûts sédentaires et studieux et son titre d’aîné de famille, destiné à se marier jeune et à posséder seul toutes les terres de sa maison, l’avaient rappelé de bonne heure chez son père. Plus économe, plus réglé et plus laborieux que mon grand-père, homme charmant, mais prodigue, magni-