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qu’il y eût alors à Mâcon sonnaient pour appeler les fidèles à la messe de dix heures.

Je sortis et je suivis la foule dans le parvis. Là, je rencontrai quelques parents et quelques amis de la maison, qui m’arrêtèrent et qui s’entretinrent avec moi pendant les cérémonies, sous les arbres. La messe finie, la foule sortit avec recueillement et passa par groupes sous nos yeux, comme dans une revue des familles ; noblesse, bourgeoisie, artisans en habits de fête, confondus comme l’humanité devant Dieu. On sait que, dans les villages et dans les petites villes, c’est le jour et l’heure de la semaine où l’on se rencontre, où l’on s’aborde sans de fréquenter habituellement, où l’on échange un moment sur le chemin, sur la place, dans la rue ou à la porte de l’église, un salut, un geste, un regard ; quelquefois une courte conversation entre fidèles d’une même paroisse, entre habitants d’une même ville. C’est l’heure et la place aussi où les oisifs, les curieux, les jeunes gens qui cherchent de l’œil les belles jeunes filles invisibles à la maison les autres jours de la semaine, se forment en groupes ou se rangent en ligne pour voir passer et pour suivre d’un regard et d’un murmure d’admiration les beautés qui sont la grâce et la célébrité du pays. Je regardais machinalement comme tout le monde, mais sans attention et sans préférence, la foule qui sortait en s’offrant l’eau bénite du doigt au doigt. J’attendais ma mère.

Elle parut une des dernières, car elle prolongeait toujours de quelques instants ses pieuses oraisons, inclinée, les yeux fermés, les mains jointes, sur sa chaise, après les offices, pour laisser plus d’adoration de son cœur et emporter plus de bénédictions sur ses enfants. Ce jour-là, elle avait prolongé davantage sa station de prière, car elle avait prié pour moi.