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X


Te voilà donc revenu, mon pauvre enfant ! » Puis elle m’embrassa encore, et elle reprit : « Te voilà revenu, tu sais que tout mon bonheur est de te voir près de nous, et cependant je t’aime avant de m’aimer moi-même, et, tout en me sentant si heureuse de te revoir, je ne puis m’empêcher d’être affligée et effrayée de ton retour. Que vas-tu devenir ici ?... Hélas ! reprit-elle, comme je te revois ! que tu es pâle ! que tu parais triste, quel découragement de la jeunesse et de la vie je lisais hier dans tes traits ! Qui m’aurait dit qu’à vingt-deux ans je verrais mon enfant flétri ainsi dans la séve de son âme et de son cœur, et le visage enseveli dans je ne sais quelle douleur !... »

Je me soulevai, à ces mots, avec un bondissement de cœur, comme si ma mère, en me parlant ainsi, eût manqué de respect à cette douleur que je respectais en moi mille fois plus que je ne me respectais moi-même.

« Oh ! de grâce, lui dis-je en joignant les mains et avec un accent de supplication sévère, ne me parlez pas avec ce dédain d’une douleur dont vous n’avez jamais connu l’objet et qui fera éternellement agenouiller ma pensée devant un sacré souvenir ! Si vous saviez !...

« — Je ne veux rien savoir, dit-elle en me mettant sa belle main sur les lèvres ; je sais qu’elle m’avait enlevé l’âme de mon fils, je sais que Dieu l’a enlevée elle-même à un amour qui ne pouvait pas être béni par moi puisqu’il ne pouvait pas être sanctifié par lui... Je la plains, je te plains, je lui pardonne, je prie pour elle ; bien