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en vain que j’ai livré au vent ces feuilles arrachées au livre de mes plus pieux souvenirs ; le temps que leur prix m’avait acheté n’a pas suffi pour me conduire jusqu’au seuil de la demeure où l’on ne regrette plus rien ! Mes Charmettes vont se vendre[1] ! qu’ils soient contents ! J'ai la honte d’avoir publié ces Confidences, et je n’ai pas la joie d’avoir sauvé mon jardin. Des pas étrangers vont y effacer les pas de mon père et de ma mère. Dieu est Dieu ; il ordonne quelquefois au vent de déraciner le chêne de cent ans, et à l’homme de déraciner son propre cœur. Le chêne et le cœur sont a lui, il faut les lui rendre, et lui rendre encore par-dessus justice, gloire et bénédiction !

Et maintenant que mon acceptation des critiques est complète, et que je me reconnais coupable et surtout affligé, suis-je bien aussi coupable qu’ils le disent, et n’y a-t-il aucune excuse qui puisse atténuer mon crime aux yeux des lecteurs indulgents ou impartiaux ?

Pour le juger, je n’ai qu’une question à vous faire et à faire au public qui a daigné feuilleter ces volumes d’un doigt distrait : Cette question, la voici :

Est-ce à moi ou à d’autres que les pages publiées de ces Confidences ont pu faire tort dans l’esprit de ceux qui les ont lues ? y a-t-il un seul homme vivant aujourd’hui, y a-t-il une seule mémoire de personne morte à qui ces souvenirs aient jeté une ombre odieuse ou même défavorable, ou sur le nom, ou sur la famille, ou sur la vie, ou sur le tombeau ? L’âme de notre mère a-t-elle pu en être contristée dans son ciel ? La mâle figure de notre père en a-t-elle été amoindrie dans le respect de ses descendants ? Graziella, cette fleur précoce et séchée de

  1. Elles sont vendues.