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les montagnes vers la sombre vallée de Maurienne, je dis adieu au petit garçon, les femmes me firent un salut de la tête, et nous allâmes chacun de notre côté, eux en causant, moi en rêvant.

Cette scène m’avait frappé comme une vision de félicité et d’amour, au milieu de la sécheresse et de l’isolement de mon cœur. Marguerite m’avait rappelé Graziella. Graziella n’était plus qu’un songe évanoui. Mais ce songe me rendait la réalité de ma solitude de cœur plus insupportable. J’aurais donné mille fois mon nom et mon éducation pour être José. Je sentis que je touchais à une grande crise de ma vie ; qu’elle ne pouvait plus continuer ainsi, et qu’il fallait ou m’attacher ou mourir. Je descendis, à la nuit tombante, enseveli dans ces pensées et dans ces images, le long et sombre faubourg de Chambéry.

Je noterai plus tard comment le hasard me fit retrouver peu de temps après Marguerite ; comment elle fut serviable pour moi à son tour, et comment elle fut associée par aventure à un des plus douloureux déchirements de ma vie de cœur.