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XXXI


Sur un morceau de pelouse abrité de la route et de la cascade, entre deux rochers que surmontaient deux ou trois aulnes, un enfant de douze à treize ans, un jeune homme de vingt ans, une jeune fille de dix-huit ans, étaient assis au soleil. L’enfant jouait avec un petit chien blanc des montagnes, au poil long, aux oreilles droites et triangulaires, chiens qui dénichent les marmottes dans la neige des Alpes. Il s’amusait à lui passer au cou et à lui reprendre tour à tour son collier de cuir, dont il faisait sonner les grelots en élevant le collier d’une main, pendant que le chien se dressait sur ses pattes de derrière pour rattraper son ornement.

Le jeune homme était vêtu d’une longue veste neuve de gros drap blanc à long poil. Il avait de hautes guêtres de même étoffe qui montaient jusqu’au-dessus du genou et qui dessinaient les muscles des jambes. Ses souliers étaient neufs aussi et montraient sous la semelle de gros clous luisants à tête des diamant, dont la marche n’avait pas encore usé les cônes. Un long bâton ferré reposait entre ses jambes ; il le tenait entre ses mains et s’appuyait le menton sur la boule du bâton, qui paraissait d’ivoire ou de corne. Un sac, garni de deux courroies de cuir blanc pour y passer les bras et se replier sous l’aisselle, était jeté à terre et quelques pas de lui. Sa figure était belle, pensive, calme, un peu triste comme, ces belles physionomies de bœufs ruminants qu’on voit couchés dans les gras herbages du Jura, autour des chalets. Deux longues mèches de cheveux d’un blond jaunâtre, coupés