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presque sur la table. Puis tout à coup tu te mets à pleurer d’impatience et de honte, en voyant que la lettre que tu as copiée est si loin du modèle. Je te gronde, je t’encourage, tu reprends la plume. Cette fois c’est mieux. Tu retournes ton visage rougi de joie de mon côté, comme pour chercher ta récompense dans un regard de satisfaction de ton maître ! Je roule négligemment une tresse de tes noirs cheveux sur mon doigt, comme un anneau vivant ! des cheveux du lierre qui tient encore à la branche !... Tu me dis : « Es-tu content ? pourrai-je bientôt écrire ton nom ? » Et, la leçon finie, tu te remets à l’ouvrage, sur ton établi, à l’ombre. Moi, je me remets à lire à tes pieds. — Et les soirées d’hiver, quand la lueur vive et rose des noyaux d’olive allumés dans le brasier que tu soufflais se réverbérait sur ton cou et sur ton visage, et te faisait ressembler à la Fornarina ! Et dans les beaux jours de Procida, quand tu t’avançais les jambes nues dans l’écume pour ramasser les fruits de mer ! Et quand tu rêvais, la joue dans ta main, en me regardant, et que je croyais que tu pensais à la mort de ta mère, tant ton visage devenait triste ! et la nuit où je te quittai morte et blanche sur ton lit comme une statue de marbre, et où je compris enfin qu’une pensée t’avait tuée... et que cette pensée c’était moi !... Ah ! je ne veux plus d’autre image devant les yeux jusqu’à la mort ! il y a une tombe dans mon passé, il y a une petite croix sur mon cœur. Je ne la laisserai jamais arracher, mais j’y entrelacerai les plus chastes fleurs du souvenir !
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La note s’arrête là. Le reste du livre contient des ébauches de vers et des comptes d’auberge sur la route de Chambéry.