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Français sont heureux ! ajoutait-il avec impatience. Ah ! si j'étais né à Paris ! Mais je n’ai jamais vu Paris. Je n’ai pour langue que le jargon de notre Savoie ! »

Il ne savait pas encore que l’homme c’est la langue ; et que ce jargon serait une grande éloquence ; que plus les langues sont maniées, plus elles s’effacent, et que le français se retremperait à Servolex dans son génie, comme il s’était retrempé aux Charmettes dans l’ignorance de Jean-Jacques Rousseau.

Plus tard, le neveu du comte de Maistre épousa une de mes plus charmantes sœurs. Elle eut ses jours courts de maternité dans ce même Servolex où nous rêvions alors ensemble, et bientôt après elle y eut son tombeau.


V


Ici manquent les notes d’environ deux années pendant lesquelles je n’écrivis pas. J’étais rentré ensuite, à la voix de ma mère, dans la maison paternelle presque ruinée par des revers inattendus.   .   .   .
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VI


Je vivais alors (si cela peut s’appeler vivre) dans des espèces de limbes moitié ténèbres, moitié lumière, qui ne prêtaient à mon âme, a mes sentiments et à mes pensées qu'un demi-jour froid et triste comme un cré-