fisait à sa vie frugale et à ses désirs retranchés. Des livres, la prière, quelques occupations littéraires remplissaient ses jours. Peut-être aimait-il au fond de l’âme une jeune personne de sa famille, orpheline et pauvre comme lui, et qui était souvent la compagne de sa sœur ? Mais cet amour, s’il existait, ne se trahissait jamais que par la constance d’un culte silencieux. Il croyait trop peu à sa fortune pour y associer une pauvre fille. Il ne manquait et son cœur qu’un ami. Il s’offrait à être le mien.
Bien souvent, depuis six ans, il avait pensé à moi comme au seul cœur auquel il voulût attacher le sien. Il n’avait pas osé m’écrire. Il savait que son caractère, acide alors et sauvage avait laissé à ses camarades de l’éloignement pour lui. Il savait aussi que j’étais plongé, avec des amis de circonstance, dans toutes les légèretés de la vie du monde. Il le déplorait pour moi. Je n’étais pas de cette chair dont le monde fait ses jouets et ses idoles. J’avais une âme qui surnageait sur ce cloaque de vanités et de vices. Cette âme devait aspirer en haut et non en bas. Ma mère était pieuse comme la sienne. Elle devait souffrir de l’air vicié où je vivais. Plus âgé que moi par les années, mais surtout par le malheur, qui compte les années par jour, il m’offrait une affection plus sainte et plus vraie que celle des jeunes compagnons de mes égarements. Il se dévouait a moi comme un frère.
Je sentais la vérité et surtout l’accent de ses paroles, et j’en étais touché. Nous entrâmes, en causant ainsi, dans la maison déserte des Charmettes, qu’une pauvre