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Italie avec moi. Il fut le premier et le meilleur de mes amis, ou plutôt ce nom banal d’amitié rend imparfaitement la nature du sentiment qui nous lia dès l’enfance. C’était quelque chose comme les liens du sang ou comme la parenté de l’âme. Je fus son frère et il fut le mien. En le perdant, j’ai perdu la moitié de ma propre vie. Ma pensée ne retentissait pas moins en lui qu’en moi-même. Le jour de sa mort, il s’est fait un grand silence autour de moi. Il m’a semblé que l’écho vivant de tous les battements de mon cœur était mort avec lui. Je me sens encore, je ne m’entends plus.


XIV


Aymon de Virieu était fils du comte de Virieu, un des hommes éminents du parti constitutionnel de l’Assemblée constituante, ami de Mounier, de Tolendal, de Clermont-Tonnerre et de tous ces hommes de bien, mais d’illusion, qui voulaient réformer la monarchie sans l’ébranler. On ne réforme que ce qu’on domine. Quand ils eurent mis le trône dans la main d’une assemblée, ils ne purent l’en arracher qu’en morceaux. Aussi le repentir ne tarda-t-il pas à les saisir, et ils se tournèrent, avant qu’elle fût achevée, contre la révolution qu’ils avaient faite. Les uns émigrèrent, les autres s’appelèrent les monarchistes et essayèrent de former ces partis intermédiaires qui sont écrasés entre les deux camps. Les plus hardis comprirent les chances de l’anarchie et en profitèrent pour soulever les provinces contre la Convention. Du nombre de ces derniers fut le comte de Virieu. En