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tale, quand le fruit vient, les feuilles tombent ; il en est peut-être ainsi dans la nature humaine. Je l’ai souvent pensé depuis que j’ai compté des cheveux blanchissants sur ma tête. Je me suis reproché de n’avoir pas connu alors le prix de cette fleur d’amour. Je n’étais que vanité. La vanité est le plus sot et le plus cruel des vices, car elle fait rougir du bonheur !…


XXXV


Un soir des premiers jours de novembre, on me remit, au retour d’un bal, un billet et un paquet qu’un voyageur venant de Naples avait apportés pour moi de la poste en changeant de chevaux à Mâcon. Le voyageur inconnu me disait que, chargé pour moi d’un message important par un de ses amis, directeur d’une fabrique de corail de Naples, il s’acquittait en passant de sa commission ; mais que les nouvelles qu’il m’apportait étant tristes et funèbres, il ne demandait pas à me voir ; il me priait seulement de lui accuser réception du paquet à Paris.

J’ouvris en tremblant le paquet. Il renfermait, sous la première enveloppe, une dernière lettre de Graziella, qui ne contenait que ces mots : « Le docteur dit que je mourrai avant trois jours. Je veux te dire adieu avant de perdre mes forces. Oh ! si tu étais là, je vivrais ! Mais c’est la volonté de Dieu. Je te parlerai bientôt et toujours du haut du ciel. Aime mon âme ! Elle sera avec toi toute ta vie. Je te laisse mes cheveux, coupés une nuit pour toi. Consacre-les à Dieu dans une chapelle de ton pays pour que quelque chose de moi soit auprès de toi ! »