Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 29.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— D’un autre côté, laisser éteindre l’humble race et le nom obscur, c’était un crime contre le sang. Il fallait pourtant se décider. On ne se décidait pas, et la révolution approchait.


V


Il y avait à cette époque en France, et il y a encore en Allemagne, une institution religieuse et mondaine à la fois, dont il nous serait difficile de nous faire une idée aujourd’hui sans sourire, tant le monde et la religion s’y trouvaient rapprochés et confondus dans un contraste àt la fois charmant et sévère. C’était ce qu’on appelle un chapitre de chanoinesses nobles. Voici ce qu'étaient ces chapitres.

Dans une province et dans un site ordinairement bien choisis, non loin de quelque grande ville dont le voisinage animait ces espèces de couvents sans clôture, les familles riches et nobles du royaume envoyaient vivre, après avoir fait ce qu’on appelait des preuves, celles de leurs filles qui ne se sentaient pas de goût pour l’état de religieuses cloîtrées et à qui cependant ces familles ne pouvaient faire des dots suffisantes pour les marier. On leur donnait à chacune une petite dot, on leur bâtissait une jolie maison entourée d’un petit jardin, sur un plan uniforme, groupée autour de la chapelle du chapitre. C’étaient des espèces de cloîtres libres rangés les uns à côté des autres, mais dont la porte restait à demi ouverte au monde ; une sorte de sécularisation imparfaite des ordres religieux d’autrefois ; une transition élégante et douce entre l’Église et le monde. Ces jeunes personnes