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en est de même de la nature. Effacez-en le site et la maison que vos pensées cherchent ou que vos souvenirs peuplent, ce n’est plus qu’un vide éclatant où le regard se plonge sans trouver ni fond ni repos. Faut-il s’étonner après cela que les plus sublimes scènes de la création soient contemplées d’un œil si divers par les voyageurs ? C’est que chacun porte avec soi son point de vue. Un nuage sur l’âme couvre et décolore plus la terre qu’un nuage sur l’horizon. Le spectacle est dans le spectateur. Je l’éprouvai.


XI


Je regardai tout ; je ne vis rien. En vain je descendis comme un insensé, en me retenant aux pointes de laves refroidies, jusqu’au fond du cratère. En vain je franchis des crevasses profondes d’où la fumée et les flammes rampantes m’étouffaient et me brûlaient. En vain je contemplai les grands champs de soufre et de sel cristallisés qui ressemblaient à des glaciers coloriés par ces haleines du feu. Je restai aussi froid à l’admiration qu’au danger. Mon âme était ailleurs ; je voulais en vain la rappeler.

Je redescendis le soir à l’ermitage. Je congédiai mes guides ; je revins à travers les vignes de Pompeia. Je passai un jour entier à me promener dans les rues désertes de la ville engloutie. Ce tombeau, ouvert après deux mille ans et rendant au soleil ses rues, ses monuments, ses arts, me laissa aussi insensible que le Vésuve. L’âme de toute cette cendre a été balayée depuis tant de siècles par le vent de Dieu qu’elle ne me parlait plus au cœur. Je foulais sous mes pieds cette poussière d’hommes