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Quel est celui qui, en revoyant ce regard seulement en songe ou en idée ; ne sent pas descendre dans sa pensée quelque chose qui en apaise le trouble et qui en éclaire la sérénité ?

Dieu m’a fait la grâce de naître dans une de ces familles de prédilection qui sont comme un sanctuaire de piété où l’on ne respire que la bonne odeur que quelques générations y ont répandue en traversant successivement la vie ; famille sans grand éclat, mais sans tache, placée par la Providence à un de ces rangs intermédiaires de la société où l’on tient à la fois à la noblesse par le nom et au peuple par la modicité de la fortune, par la simplicité de la vie et par la résidence à la campagne, au milieu des paysans, dans les mêmes habitudes et à peu près dans les mêmes travaux. Si j’avais à renaître sur cette terre, c’est encore là que je voudrais renaître. On y est bien placé pour voir et pour comprendre les conditions diverses de l’humanité… au milieu. Pas assez haut pour être envié, pas assez bas pour être dédaigné ; point juste et précis où se rencontrent et se résument dans les conditions humaines l’élévation des idées que produit l’élévation du point de vue, le naturel des sentiments que conserve la fréquentation de la nature.


III


Sur les bords de la Saône, en remontant son cours, à quelques lieues de Lyon, s’élève entre des villages et des prairies au penchant d’un coteau à peine renflé au-dessus des plaines, la ville petite mais gracieuse de Mâcon. Deux clochers gothiques décapités par la révolution et minés