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celle-ci des nèfles, les petits enfants des oranges. Le cœur de Graziella avait passé dans tous les membres de la famille.


IX


Ils jetèrent un cri de surprise en me voyant apparaître encore pâle et faible, mais debout et souriant devant eux. Graziella laissa rouler de joie à terre les oranges qu’elle tenait dans son tablier et, se frappant les mains l’une contre l’autre, elle courut à moi : « Je vous l’avais bien dit, s’écria-t-elle, que l’image vous guérirait si elle couchait seulement une nuit sur votre lit. Vous avais-je trompé ? » Je voulus lui rendre l’image, et je la pris dans mon sein, où je l’avais mise en sortant. « Baisez-la avant », me dit-elle. Je la baisai, et un peu aussi le bout de ses doigts, qu’elle avait tendus pour me la reprendre. « Je vous la rendrai si vous retombez malade, ajouta-t-elle en la remettant à son cou et en la glissant dans son sein ; elle servira à deux. »

Nous nous assîmes sur la terrasse, au soleil du matin. Ils avaient tous l’air aussi joyeux que s’ils eussent recouvré un frère ou un enfant de retour après un long voyage. Le temps, qui est nécessaire à la formation des amitiés intimes dans les hautes classes, ne l’est pas dans les classes inférieures. Les cœurs s’ouvrent sans défiance, ils se soudent tout de suite, parce qu’il n’y a pas d’intérêt soupçonné sous les sentiments. Il se forme plus de liaison et de parenté d’âme en huit jours parmi les hommes de la nature qu’en dix ans parmi les hommes de la société. Cette famille et moi nous étions déjà parents.