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alla m’acheter des oranges. Elle en mordait l’écorce avec ses belles dents pour en enlever la peau et pour en faire jaillir le jus dans mon verre en les pressant avec ses doigts. Elle détacha de son cou une petite médaille d’argent qui pendait par un cordon noir et se cachait dans sa poitrine. Elle l’attacha avec une épingle au rideau blanc de mon lit. Elle m’assura que je serais bientôt guéri par la vertu de la sainte image. Puis, le jour commençant à baisser, elle me quitta, non sans revenir vingt fois de la porte à mon lit pour s’informer de ce que je pourrais désirer encore et pour me faire des recommandations plus vives de prier bien dévotement l’image avant de m’endormir


VII


Soit vertu de l’image et des prières qu’elle lui fit sans doute elle-même, soit influence calmante de cette apparition de tendresse et d’intérêt que j’avais eue sous les traits de Graziella, soit que la distraction charmante que sa présence et son entretien m’avaient donnée eût caressé et apaisé l’agacement maladif de tout mon être, à peine fut elle sortie que je m’endormis d’un sommeil tranquille et profond.

Le lendemain, à mon réveil, en apercevant les écorces d’oranges qui jonchaient le plancher de ma chambre, la chaise de Graziella tournée encore vers mon lit, comme si elle l’avait laissée et comme si elle allait s’y rasseoir encore ; la petite médaille pendue à mon rideau par le collier de soie noire, et toutes ces traces de cette présence et de ces soins de femme qui me manquaient de-