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qu’elle n’avait pas cessé de tenir attachés sur mon front et sur mes bras affaissés, quand même on nous eût méprisés, nous serions toujours venus. — Pauvre Graziella, répondis-je en souriant, Dieu me garde du jour où j’aurai honte de ceux qui m’aiment ! »


VI


Elle s’assit sur une chaise au pied de mon lit, et nous causâmes un peu.

Le son de sa voix, la sérénité de ses yeux, l’abandon confiant et calme de son attitude, la naïveté de sa physionomie, l’accent à la fois saccadé et plaintif de ces femmes des îles, qui rappelle, comme dans l’Orient, le ton soumis de l’esclave dans les palpitations mêmes de l’amour, la mémoire enfin des belles journées de la cabane passées au soleil avec elle ; ces soleils de Procida qui me semblaient encore ruisseler de son front, de son corps et de ses pieds dans ma chambre morne ; tout cela, pendant que je la regardais et que je l’écoutais, m’enlevait tellement à ma langueur et à ma souffrance, que je me crus subitement guéri. Il me semblait qu’aussitôt qu’elle serait sortie j’allais me lever et marcher. Cependant je me sentais si bien par sa présence que je prolongeais la conversation tant que je pouvais, et que je la retenais sous mille prétextes, de peur qu’elle ne s’en allât trop vite en emportant le bien-être que je ressentais.

Elle me servit une partie du jour sans crainte, sans réserve affectée, sans fausse pudeur comme une sœur qui sert son frère, sans penser qu’il est un homme. Elle