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nous nous retirâmes inaperçus. Nous traversâmes, non sans serrement de cœur, le tumulte bruyant des rues populeuses de Naples, et nous rentrâmes dans nos logements.


II


Nous nous proposions, après quelques jours de repos à Naples, de reprendre la même vie avec le pêcheur toutes les fois que la mer le permettrait. Nous nous étions si bien accoutumés à la simplicité de nos costumes et à la nudité de la barque depuis trois mois, que le lit, les meubles de nos chambres et nos habits de ville nous semblaient un luxe gênant et fastidieux. Nous espérions bien ne les reprendre que pour peu de jours. Mais le lendemain, en allant chercher à la poste nos lettres arriérées, mon ami en trouva une de sa mère. Elle rappelait son fils sans retard en France pour assister au mariage de sa sœur. Son beau-frère devait venir au-devant de lui jusqu’à Rome. D’après les dates, il devait déjà y être arrivé. Il n’y avait pas à atermoyer : il fallait partir.

J’aurais dû partir avec lui. Je ne sais quel attrait d’isolement et d’aventure me retenait. La vie du marin, la cabane du pêcheur l’image de Graziella y étaient peut-être bien pour quelque chose, mais confusément. Le vertige de la liberté, l’orgueil de me suffire à moi-même à trois cents lieues de mon pays, la passion du vague et de l’inconnu, cette perspective aérienne des jeunes imaginations y étaient pour davantage.

Nous nous séparâmes avec un mâle attendrissement. Il me promit de venir me rejoindre aussitôt qu’il aurait