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rien à trouver et coulaient de mes lèvres comme une langue maternelle. À peine cette lecture eut-elle commencé, que les physionomies de notre petit auditoire changèrent et prirent une expression d’attention et de recueillement, indice certain de l’émotion du cœur. Nous avions rencontré la note qui vibre à l’unisson dans l’âme de tous les hommes, de tous les âges et de toutes les conditions, la note sensible, la note universelle, celle qui renferme dans un seul son l’éternelle vérité de l’art : la nature, l’amour et Dieu.


XIII


Je n’avais encore lu que quelques pages, et déjà vieillards, jeune fille, enfant, tout avait changé d’attitude. Le pêcheur, le coude sur son genou et l’oreille penchée de mon côté, oubliait d’aspirer la fumée de sa pipe. La vieille grand-mère, assise en face de moi, tenait ses deux mains jointes sous son menton, avec le geste des pauvres femmes qui écoutent la parole de Dieu, accroupies sur le pavé des temples. Beppo était descendu du mur de la terrasse, où il était assis tout à l’heure. Il avait placé, sans bruit, sa guitare sur le plancher. Il posait sa main à plat sur le manche, de peur que le vent ne fît résonner ses cordes. Graziella, qui se tenait ordinairement un peu loin, se rapprochait insensiblement de moi, comme si elle eût été fascinée par une puissance d’attraction cachée dans le livre.

Adossée au mur de la terrasse, au pied duquel j’étais étendu moi-même, elle se rapprochait de plus en plus de mon côté, appuyée sur sa main gauche, qui portait à