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qu’elles creusaient. Mais pour aborder à Procida, dont nous apercevions les feux du soir briller à notre droite, il fallait prendre obliquement les lames et nous glisser, pour ainsi dire, dans leurs vallées vers la côte, en présentant le flanc à la vague et les minces bords de la barque au vent. Cependant, la nécessité ne nous permettait pas d’hésiter. Le pêcheur nous faisant signe de relever nos rames, profita de l’intervalle d’une lame à une autre pour virer de bord. Nous mîmes le cap sur Procida, et nous voguâmes comme un brin d’herbe marine qu’une vague jette à l’autre vague et que le flot reprend au flot.


IX


Nous avancions peu ; la nuit était tombée. La poussière, l’écume, les nuages que le vent roulait en lambeaux déchirés sur le canal en redoublaient l’obscurité. Le vieillard avait ordonné à l’enfant d’allumer une de ses torches de résine, soit pour éclairer un peu sa manœuvre dans les profondeurs de la mer, soit pour indiquer aux marins de Procida qu’une barque était en perdition dans le canal, et pour leur demander non leur secours, mais leurs prières.

C’était un spectacle sublime et sinistre que celui de ce pauvre enfant accroché d’une main au petit mât qui surmontait la proue, et de l’autre élevant au-dessus de sa tête cette torche de feu rouge, dont la flamme et la fumée se tordaient sous le vent et lui brûlaient les doigts et les cheveux. Cette étincelle flottante, apparaissant au sommet des lames et disparaissant dans leur profondeur, toujours prête à s’éteindre et toujours rani-