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voyions avec peine avancer la fin de l’été et approcher ces jours d’automne et d’hiver après lesquels il faudrait rentrer dans notre patrie. Nos familles, inquiètes, commençaient à nous rappeler. Nous éloignions autant que nous le pouvions cette idée de départ, et nous aimions à nous figurer que cette vie n’aurait point de terme.


VII


Cependant septembre commençait avec ses pluies et ses tonnerres. La mer était moins douce. Notre métier, plus pénible, devenait quelquefois dangereux. Les brises fraîchissaient, la vague écumait et nous trempait souvent de ses jaillissements. Nous avions acheté sur le môle deux de ces capotes de grosse laine brune que les matelots et les lazzaroni de Naples jettent pendant l’hiver sur leurs épaules. Les manches larges de ces capotes pendent à côté des bras nus. Le capuchon flottant en arrière ou ramené sur le front, selon le temps, abrite la tête du marin de la pluie ou du froid, ou laisse la brise et les rayons du soleil se jouer dans ses cheveux mouillés.

Un jour nous partîmes de la Margellina par une mer d’huile, que ne ridait aucun souffle, pour aller pêcher des rougets et les premiers thons sur la côte de Cumes, où les courants les jettent dans cette saison. Les brouillards roux du matin flottaient à mi-côte et annonçaient un coup de vent pour le soir. Nous espérions le prévenir et avoir le temps de doubler le cap Misène avant que la mer lourde et dormante fût soulevée.

La pêche était abondante. Nous voulûmes jeter quel-