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monde livré à toutes les tyrannies, où la philosophie et la liberté n’avaient semblé vouloir renaître un moment en France et en Italie que pour être souillées, trahies ou opprimées partout ! Que d’imprécations à voix basse ne sortaient pas de nos poitrines contre ce tyran de l’esprit humain, contre ce soldat couronné qui ne s’était retrempé dans la révolution que pour y puiser la force de la détruire et pour livrer de nouveau les peuples à tous les préjugés et à toutes les servitudes ! C’est de cette époque que datent pour moi l’amour de l’émancipation de l’esprit humain et cette haine intellectuelle contre ce héros du siècle, haine à la fois sentie et raisonnée, que la réflexion et le temps ne font que justifier, malgré les flatteurs de sa mémoire.


V


Ce fut sous l’empire de ces impressions que j’étudiai Rome, son histoire et ses monuments. Je sortais le matin, seul, avant que le mouvement de la ville pût distraire la pensée du contemplateur. J’emportais sous mon bras les historiens, les poètes, les descripteurs de Rome. J’allais m’asseoir ou errer sur les ruines désertes du Forum, du Colisée, de la campagne romaine. Je regardais, je lisais, je pensais tour à tour. Je faisais de Rome une étude sérieuse, mais une étude en action. Ce fut mon meilleur cours d’histoire. L’antiquité, au lieu d’être un ennui, devint pour moi un sentiment. Je ne suivais dans cette étude d’autre plan que mon penchant. J’allais au hasard, où mes pas me portaient. Je passais de Rome antique à Rome moderne, du Panthéon au palais de