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parent de ma mère établi à Naples, et qu’il ne me refuserait pas quelque argent pour le retour. Je partis, une belle nuit, de Livourne, par le courrier de Rome.

J’y passai l’hiver seul dans une petite chambre d’une rue obscure qui débouche sur la place d’Espagne, chez un peintre romain qui me prit en pension dans sa famille. Ma figure, ma jeunesse, mon enthousiasme, mon isolement au milieu d’un pays inconnu, avaient intéressé un de mes compagnons de voyage dans la route de Florence à Rome. Il s’était lié d’une amitié soudaine avec moi. C’était un beau jeune homme à peu près de mon âge. Il paraissait être le fils ou le neveu du fameux chanteur Davide, alors le premier ténor des théâtres d’Italie. Davide voyageait aussi avec nous. C’était un homme d’un âge déjà avancé. Il allait chanter pour la dernière fois sur le théâtre Saint-Charles, à Naples.

Davide me traitait en père, et son jeune compagnon me comblait de prévenances et de bontés. Je répondais à ces avances avec l’abandon et la naïveté de mon âge. Nous n’étions pas encore arrivés à Rome que le beau voyageur et moi nous étions déjà inséparables. Le courrier, dans ce temps-là, ne mettait pas moins de trois jours pour aller de Florence à Rome. Dans les auberges, mon nouvel ami était mon interprète ; à table, il me servait le premier ; dans la voiture, il me ménageait à côté de lui la meilleure place, et, si je m’endormais, j’étais sûr que ma tête aurait son épaule pour oreiller.

Quand je descendais de voiture aux longues montées des collines de la Toscane ou de la Sabine, il descendait avec moi, m’expliquait le pays, me nommait les villes, m’indiquait les monuments. Il cueillait même de belles fleurs et achetait de belles figues et de beaux raisins sur la route ; il remplissait de ces fruits mes mains et mon cha-