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d’éclatantes images ; le ciel italien, dont j’avais, pour ainsi dire, aspiré déjà la chaleur et la sérénité dans les pages de Corinne et dans les vers de Gœthe :

Connais-tu cette terre où les myrtes fleurissent ?


les monuments encore debout de cette antiquité romaine, dont mes études toutes fraîches avaient rempli ma pensée ; la liberté enfin ; la distance qui jette un prestige sur les choses éloignées ; les aventures, ces accidents certains des longs voyages, que l’imagination jeune prévoit, combine à plaisir et savoure d’avance ; le changement de langue, de visages, de mœurs, qui semble initier l’intelligence à un monde nouveau, tout cela fascinait mon esprit. Je vécus dans un état constant d’ivresse pendant les longs jours d’attente qui précédèrent le départ. Ce délire, renouvelé chaque jour par les magnificences de la nature en Savoie, en Suisse, sur le lac de Genève, sur les glaciers du Simplon, au lac de Côme, à Milan et à Florence, ne retomba qu’à mon retour.

Les affaires qui avaient conduit ma compagne de voyage à Livourne se prolongeant indéfiniment, on parla de me ramener en France sans avoir vu Rome et Naples. C’était m’arracher mon rêve au moment où j’allais le saisir. Je me révoltai intérieurement contre une pareille idée. J’écrivis à mon père pour lui demander l’autorisation de continuer seul mon voyage en Italie, et, sans attendre la réponse, que je n’espérais guère favorable, je résolus de prévenir la désobéissance par le fait. « Si la défense arrive, me disais-je, elle arrivera trop tard. Je serai réprimandé, mais je serai pardonné ; je reviendrai, mais j’aurai vu. » Je fis la revue de mes finances très restreintes ; mais je calculai que j’avais un