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Laissez-moi seulement sous ce jais entrevoir
La blancheur de son bras sortant du réseau noir !
Ou l’ondulation de sa taille élancée,
Ou ce coude arrondi qui porte sa pensée,
Ou le lis de sa joue, ou le bleu du regard
Dont le seul souvenir me perce comme un dard.
O fille du rocher ! tu ne sais pas quels rêves
Avec ce globe obscur de tes yeux tu soulèves !...
A chacun des longs cils qui voilent leur langueur,
Comme l’abeille au trèfle, est suspendu mon cœur.
Reste, oh ! reste longtemps sur ton bras assoupie
Pour assouvir l'amour du chasseur qui t’épie !
Je ne sens ni la nuit ni les mordants frimas.
Ton souffle est mon foyer, tes yeux sont mes climats.
Des ombres de mon sein ta pensée est la flamme !
Toute neige est printemps aux rayons de ton âme !
Oh ! dors ! oh ! rêve ainsi, la tête sur ton bras !
Et quand au jour, demain, tu te réveilleras,
Puissent mes longs regards, incrustés sur la pierre,
Rester collés au mur et dire à ta paupière
Qu’un fantôme a veillé sur toi dans ton sommeil !
Et puisses-tu chercher son nom à ton réveil ! »
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RÉCITATIF.

Ainsi chantait, au pied de la tour isolée,
Le barde aux bruns cheveux, sous la nuit étoilée,
Et transis par le froid, ses chiens le laissaient seul,
Et le givre en tombant le couvrait d’un linceul,
Et le vent qui glaçait le sang dans ses artères
L’endormait par degrés du sommeil de ses pères,
Et les loups qui rôdaient sur l’hiver sans chemin,
Hurlant de joie aux morts, le flairaient pour demain.
Et pendant qu’il mourait au bord du précipice,
La vierge réveillée écoutait la nourrice,
A voix basse contant les choses d’autrefois,
Ou tirait un accord de harpe sous ses doigts,