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mander souvent le livre avant de le rendre et de citer vingt fois le chiffre d’une page « que je relisais toujours, lui disais-je, qui exprimait toute mon âme, qui était imbibée de toutes mes larmes d’admiration, et je la suppliais de la lire à son tour, mais de la lire seule, dans sa chambre, le soir, avec recueillement, au bruit du vent dans les pins et du torrent dans son lit, comme sans doute Ossian l’avait écrite. » J’avais excité ainsi sa curiosité, et l’espérais qu’elle ouvrirait le volume à la page qui contenait le poëme de ses propres soupirs.


XI


J’ai retrouvé, il y a trois ans, ces premiers vers dans les papiers du pauvre curé de B***, qui était en ce temps-la de nos sociétés d’enfance, et pour qui je les avais copiées ; car, quel amour n’a pas besoin d’un confident ? Les voici dans toute leur inexpérience et dans toute leur faiblesse. J’en demande pardon à M. de Lormian, poëte et aveugle aujourd’hui comme Ossian. C’était un écho lointain de l’Écosse répété par une voix d’enfant dans les montagnes de son pays, une palette et point de dessin, des nuages et point de couleurs. Un rayon de la poésie du Midi fit évanouir pour moi plus tard toute cette brume fantastique du Nord.