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On lève l’ancre, il fuit ; le flot qu’il a fendu
Sur sa trace un moment demeure suspendu,
Et, retombant bientôt en vapeur qui surnage,
De blancs flocons d’écume inonde au loin la plage.
Voilà tout ce qu’Harold a laissé dans ces lieux !…
Et la vague a repris son bord silencieux.
Mais, sur le pont tremblant du vaisseau qui dérive,
Un bruit sourd et confus monte, et frappe la rive ;
La voix des vents s’y mêle aux cris des matelots ;
On y voit confondus, rouler au gré des flots,
Des faisceaux éclatants de harnais et d’armures,
Qui rendent en tombant de sinistres murmures ;
Des sabres, des mousquets brillants d’argent et d’or,
Que la poudre et le sang n’ont pas ternis encor ;
Des lances, des drapeaux où, parmi le tonnerre,
Brille un signe inconnu sur les champs de la guerre.
On voit, autour des mâts, des coursiers enchaînés,
Battre le pont tremblant sous leurs pieds étonnés
Et, secouant leurs crins qu’un flot d’écume inonde,
Hennir à chaque vent qui les berce sur l’onde.
Mais Harold, que fait-il ? Seul, au bout du vaisseau,
Enveloppé des plis de son large manteau,
Sombre comme la nuit dont son cœur est l’image,
D’un œil insouciant il voit fuir le rivage.


X


Où va-t-il ?… Il gouverne au berceau du soleil.
Mais pourquoi sur son bord ce terrible appareil ?
Va-t-il, le cœur brûlant d’une foi magnanime,
Conquérir une tombe au désert de Solyme ;