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Plus encor que l’amour, la volupté s’y joue ;
La peine en fait fléchir l’arc mobile, et sa joue
Ressemble au lis penché vers le midi du jour,
Qu’ont déjà respiré les zéphyrs ou l’amour.


VIII


« Dors, murmurait Harold d’une voix comprimée,
Toi que je vais quitter, toi que j’ai tant aimée ;
Toi qui m’aimas peut-être, ou dont l’art séducteur
Par l’ombre de l’amour trompa du moins mon cœur !
Qu’importe que le tien ne fût qu’un doux mensonge ?
Je fus heureux par toi ; tout bonheur est un songe !
Et je pars avant l’heure où le triste réveil
Eût dissipé pour nous cet enfant du sommeil.
Heureux qui, s’éloignant pendant que l’erreur dure,
Emporte dans son cœur une image encor pure ;
Qui peut, dans les horreurs de son triste avenir,
Nourrir, comme un flambeau, quelque cher souvenir,
Et ne voit pas du moins, en perdant ce qu’il aime,
Cette idole qui tombe, ou qu’il brisa lui-même,
D’un bonheur qui n’est plus étaler les débris
Où l’éternel remords rampe auprès du mépris !…
Gravez-vous dans mes yeux, voluptueuse image,
Front serein dont mon souffle écartait tout nuage ;
Beaux yeux dont le regard me cherchera demain ;
Lèvres dont les accents m’enivraient ; tendre main
Qui, s’ouvrant vainement pour s’unir à la mienne,
Ne rencontrera plus d’appui qui la soutienne ;
Bouche que le sommeil n’a pu même assoupir !
Je voudrais emporter… tout, jusqu’à ce soupir