Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Comme l’homme qui touche à son adolescence
Brise les vains hochets de sa crédule enfance.
L’Olympe n’entend plus, sur ses sommets sacrés,
Hennir du dieu du jour les coursiers altérés ;
Jupiter voit sa foudre, entre ses mains brisée,
Des fils grossiers d’Omar provoquer la risée ;
Le Nil souille au désert, de son impur limon,
Les débris mutilés de l’antique Memnon ;
Délos n’a plus d’autels, Delphes n’a plus d’oracles :
Le Temps a balayé le temple et les miracles.
Hors le culte éternel, vingt cultes différents,
Du stupide univers bienfaiteurs ou tyrans,
Ont passé : cherchez-les dans la cendre de Rome !…
Mais il reste à jamais au fond du cœur de l’homme
Deux sentiments divins, plus forts que le trépas :
L’amour, la liberté, dieux qui ne mourront pas !


II


L’amour ! je l’ai chanté, quand, plein de son délire,
Ce nom seul murmuré faisait vibrer ma lyre,
Et que mon cœur cédait au pouvoir d’un coup d’œil,
Comme la voile au vent qui la pousse à l’écueil.
J’aimai, je fus aimé ; c’est assez pour ma tombe ;
Qu’on y grave ces mots, et qu’une larme y tombe !
Remplis seule aujourd’hui ma pensée et mes vers,
Toi qui naquis le jour où naquit l’univers,
Liberté ! premier don qu’un Dieu fit à la terre,
Qui marquas l’homme enfant d’un divin caractère,
Et qui fis reculer, à son premier aspect,
Les animaux tremblant d’un sublime respect ;