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Un torrent sous tes pieds, s’écroulant en poussière,
Traçait sur les rochers de verdâtres sillons,
Et, de sa blanche écume où jouait la lumière,
Élevait jusqu’à nous les flottants tourbillons.

Un nuage grondait encore
Sur les confins des airs, à l’occident obscur,
Tandis qu’à l’orient le souffle de l’aurore
Découvrait la moitié d’un ciel limpide et pur,
Et faisait resplendir du feu qui le colore
Des vagues du Léman l’éblouissant azur.
Tout à coup sur un roc, dont tu foulais la cime,
Tu t’arrêtas : tes yeux s’abaissèrent sur moi ;
Tu me montrais du doigt les flots, les monts, l’abîme,
La nature et le ciel… et je ne vis que toi !…

Ton pied léger semblait s’élancer de sa base ;
Ton œil planait d’en haut sur ces sublimes bords ;
Ton sein, oppressé par l’extase,
Se soulevait sous ses transports,
Comme le flot captif qui, bouillant dans le vase,
S’enfle, frémit, s’élève, et surmonte ses bords.

Sur l’angle d’un rocher ta main était posée ;
Par l’haleine des vents goutte à goutte essuyés,
Tes cheveux trempés de rosée
Distillaient lentement des perles à tes piés.

Des cascades l’écume errante
Faisait autour de toi, sur un tapis de fleurs,
De son prisme liquide ondoyer les couleurs,
Et d’une robe transparente
Semblait t’envelopper dans ses plis de vapeurs.
Tu ressemblais… Mais non, toute image est glacée.