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AVERTISSEMENT.

vécu… Mais il n’est plus ! Tout en voulant prémunir la jeunesse contre les principes déplorables de ses derniers ouvrages, il faut jeter un voile sur les taches de ce grand génie : ce génie doit faire augurer de son âme, et sa mort peut servir d’excuse à sa vie. Il a sacrifié ses jours, en Grèce, à la cause de la religion, de la liberté et de l’enthousiasme. Ses actions réfutent ses paroles.

M. de Lamartine, voulant conduire le poëme de Child-Harold jusqu’à son véritable terme, la mort du héros, le reprend où lord Byron l’avait laissé, et, sous la fiction transparente du nom d’Harold, chante les dernières actions ou les dernières pensées de lord Byron lui-même, son passage en Grèce, et sa mort. Il a pensé sans doute que le mode le plus convenable de chanter l’homme qu’il admire, était celui qu’il avait adopté lui-même ; et la forme de Child-Harold lui était trop évidemment indiquée, pour qu’il lui fût possible d’en adopter une autre : peut-être cette forme même donnera-t-elle lieu à quelques critiques. Peut-être lui reprochera-t-on, comme un excès d’audace, comme une profanation, ce qui n’a été chez lui qu’un juste sentiment de modestie et de déférence pour un génie supérieur. Il n’a pris le genre du poëme et le nom du héros de lord Byron que par respect pour lord Byron, qui se peignait lui-même sous cette forme emblématique. Toute autre forme, tout autre nom, eussent été moins périlleux pour lui : ils eussent rappelé moins immédiatement un talent qui écraserait tout ce qui tenterait de l’égaler ; mais une imitation n’est point une lutte, c’est un hommage. À Dieu ne plaise que ce nom de Child-Harold puisse donner une autre idée ! Quel poëte oserait faire parler lord Byron ? On s’apercevrait trop vite que ce n’est que son ombre. Cependant ce mot d’imitation, que nous venons de prononcer, ne rend pas exactement notre pensée : la forme et le genre sont seuls imités ; les idées, les