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et ainsi des autres couleurs qui la décorent, et qui sont plus nombreuses et plus belles que toutes celles que nous connaissons. Les creux même de cette terre, remplis d’eau et d’air, ont aussi leurs couleurs particulières, qui brillent parmi toutes les autres ; de sorte que dans toute son étendue cette terre a l’aspect d’une diversité continuelle. Dans cette terre si parfaite, tout est en rapport avec elle, plantes, arbres, fleurs et fruits ; les montagnes même et les pierres ont un poli, une transparence, des couleurs incomparables ; celles que nous estimons tant ici, les cornalines, les jaspes, les émeraudes, n’en sont que de petites parcelles. Il n’y en a pas une seule, dans cette heureuse terre, qui ne les vaille, ou ne les surpasse encore : et la cause en est que là les pierres précieuses sont pures, qu’elles ne sont ni rongées, ni gâtées comme les nôtres par l’âcreté des sels et par la corruption des sédiments qui descendent et s’amassent dans cette terre basse, où ils infectent les pierres et la terre, les plantes et les animaux. Outre toutes ces beautés, cette terre est ornée d’or, d’argent, et d’autres métaux précieux, qui, répandus en tous lieux en abondance, frappent les yeux de tous côtés, et font de la vue de cette terre un spectacle de bienheureux. Elle est aussi habitée par toutes sortes d’animaux et par des hommes, dont les uns sont répandus au milieu des terres, et les autres autour de l’air, comme nous autour de la mer, et d’autres dans des îles que l’air forme près du continent ; car l’air est là ce que sont ici l’eau et la mer pour notre usage ; et ce que l’air est pour nous, pour eux est l’éther. Leurs saisons sont si bien tempérées, qu’ils vivent beaucoup plus que nous, toujours exempts de maladies ; et pour la vue, l’ouïe, l’odorat et tous les autres sens, et pour l’intelligence même, ils sont autant au-dessus de nous que l’air surpasse l’eau en pureté, et que l’éther surpasse l’air. Ils ont des bois sacrés, des temples que les dieux habitent réellement ; des oracles, des prophéties, des visions, toutes les marques du commerce des dieux : ils voient aussi le soleil et la lune et les astres tels qu’ils sont ; et tout le reste de leur félicité suit à proportion.

» Voilà quelle est cette terre à sa surface ; elle a tout autour d’elle plusieurs lieux, dont les uns sont plus profonds et plus ouverts que le pays que nous habitons ; les autres plus profonds, mais moins ouverts, et d’autres moins profonds et plus plats. Tous ces lieux sont percés par-dessous en plusieurs points, et communiquent entre eux par des conduits tantôt plus larges, tantôt