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AVERTISSEMENT.

immense. Socrate, lui, en sentait le besoin ; il l’indiquait ; il la préparait par ses discours, par sa vie et par sa mort. Il était digne de l’entrevoir à ses derniers moments ; en un mot, il était inspiré ; il nous le dit, il nous le répète : et pourquoi refuserions-nous de croire sur parole l’homme qui donnait sa vie pour l’amour de la vérité ? Y a-t-il beaucoup de témoignages qui vaillent la parole de Socrate mourant ? Oui, sans doute, il était inspiré ; il était un précurseur de cette révélation définitive que Dieu préparait de temps en temps par des révélations partielles. Car la vérité et la sagesse ne sont point de nous ; elles descendent du ciel dans les cœurs choisis qui sont suscités de Dieu selon les besoins des temps. Il les semait çà et là ; il les répandait goutte à goutte pour en donner seulement la connaissance et le désir, jusqu’au moment où il devait nous en rassasier avec plénitude.

Indépendamment de la sublimité des doctrines qu’il annonçait, la mort de Socrate était un tableau digne des regards des hommes et du ciel ; il mourait sans haine pour ses persécuteurs, victime de ses vertus, s’offrant en holocauste pour la vérité : il pouvait se défendre, il pouvait se renier lui-même ; il ne le voulut pas : c’eût été mentir au Dieu qui parlait en lui, et rien n’annonce qu’un sentiment d’orgueil soit venu altérer la pureté, la beauté de ce sublime dévouement. Ses paroles, rapportées par Platon, sont aussi simples à la fin de son dernier jour qu’au milieu de sa vie ; la solennité de ce grand moment de la mort ne donne à ses expressions ni tension ni faiblesse ; obéissant avec amour à la volonté des dieux, qu’il aime à reconnaître en tout, son dernier jour ne diffère en rien de ses autres jours, si ce n’est qu’il n’aura pas de lendemain ! Il continue avec ses amis le sujet de conversation commencé la veille ; il boit la ciguë comme un breuvage ordinaire ; il se couche pour mourir,