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» Ainsi donc, Cébès, que toutes les choses viennent de leurs contraires, voilà ce qui est suffisamment prouvé.

» Très-suffisamment, Socrate.

» Mais entre ces deux contraires n’y a-t-il pas toujours un certain milieu, une double opération qui mène de celui-ci à celui-là, et ensuite de celui-là à celui-ci ? Le passage du plus grand au plus petit, ou du plus petit au plus grand, ne suppose-t-il pas nécessairement une opération intermédiaire, savoir, augmenter et diminuer ?

» Oui, dit Cébès.

» N’en est-il pas de même de ce qu’on appelle se mêler et se séparer, s’échauffer et se refroidir, et de toutes les autres choses ? Et quoiqu’il arrive quelquefois que nous n’ayons pas de termes pour exprimer toutes ces nuances, ne voyons-nous pas réellement que c’est toujours une nécessité absolue que les choses naissent les unes des autres, et qu’elles passent de l’une à l’autre, par une opération intermédiaire ?

» Cela est indubitable.

» Eh bien ! reprit Socrate, la vie n’a-t-elle pas aussi son contraire, comme la veille a pour contraire le sommeil ?

» Sans doute, dit Cébès.

» Et quel est ce contraire ?

» C’est la mort.

» Ces deux choses ne naissent-elles donc pas l’une de l’autre, puisqu’elles sont contraires ? et puisqu’il y a deux contraires, n’y a-t-il pas une double opération intermédiaire qui les fait passer de l’un à l’autre ?

» Comment non ?

» Pour moi, repartit Socrate, je vais vous dire la combinaison des deux contraires, le sommeil et la veille, et la double opération qui les convertit l’un dans l’autre ; et toi, tu m’expliqueras l’autre combinaison. Je dis donc, quant au sommeil et à la veille, que du sommeil naît la veille, et de la veille le sommeil ; et que ce qui mène de la veille au sommeil, c’est l’assoupissement, et du sommeil à la veille, c’est le réveil. Cela n’est-il pas assez clair ?

» Très-clair.

» Dis-nous donc de ton côté la combinaison de la vie et de la mort. Ne dis-tu pas que la mort est le contraire de la vie ?

» Oui.