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Toi qui t’abaisse et t’élèves
Comme la poudre des chemins,
Comme les vagues sur les grèves,
Race innombrable des humains,
Survis au temps qui me consume,
Engloutis-moi dans ton écume :
Je sens moi-même mon néant.
Dans ton sein qu’est-ce qu’une vie ?
Ce qu’est une goutte de pluie
Dans les bassins de l’Océan.

Vous mourez pour renaître encore,
Vous fourmillez dans vos sillons ;
Un souffle du soir à l’aurore
Renouvelle vos tourbillons ;
Une existence évanouie
Ne fait pas baisser d’une vie
Le flot de l’être toujours plein.
Il ne vous manque, quand j’expire,
Pas plus qu’à l’homme qui respire
Ne manque un souffle de son sein.

Vous allez balayer ma cendre :
L’homme ou l’insecte en renaîtra !
Mon nom, brûlant de se répandre,
Dans le nom commun se perdra.
Il fut ! voilà tout. Bientôt même
L’oubli couvre ce mot suprême :
Un siècle ou deux l’auront vaincu !
Mais vous ne pouvez, ô Nature,
Effacer une créature.
Je meurs ! qu’importe ? j’ai vécu !