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De fruits empoisonnés dont l’écorce perfide
Ne laissait dans mon cœur qu’une poussière aride :
Mon cœur leur demandait ce qu’elles n’avaient pas,
Et ma bouche à la fin disait toujours : « Hélas ! »

Et qu’attendre de plus des siècles et du monde ?
Je fondais sur le sable et je semais sur l’onde.
Il est temps, ô mon Dieu, que mon cœur détrompé,
Et de ta seule image à jamais occupé,
Te consacre à toi seul ces rapides années
Par mille autres désirs si longtemps profanées ;
Je veux tenter enfin si des jours pleins de toi,
Dont la lyre et l’autel seraient le seul emploi,
Dont l’étude et l’amour de tes saintes merveilles
Jusqu’au milieu des nuits prolongeraient les veilles,
Et dont l’humble prière, en marquant les instants,
Chargerait d’un soupir chacun des pas du temps,
S’enfuiront loin de moi d’un vol aussi rapide,
Et laisseront mon âme aussi vaine, aussi vide
Que ce temps qui ne laisse, en achevant son cours,
Rien qu’un chiffre de plus au nombre de mes jours !


Bénis donc cette grande aurore
Qui m’éclaire un nouveau chemin ;
Bénis, en la faisant éclore,
L’heure que tu tiens dans ta main !
Si nos ans ont aussi leur germe
Dans cette heure qui le renferme,
Bénis la suite de mes ans,
Comme sur tes tables propices
Tu consacrais dans leurs prémices
La terre et les fruits de nos champs !