Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/524

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Porte le murmure et l’effroi ;
Elle frémit à notre oreille,
Et loin de l’homme qu’elle éveille
S’envole et lui dit :« Compte-moi !

» Compte-moi ! car Dieu m’a comptée
Pour sa gloire et pour ton bonheur.
Compte-moi ! je te fus prêtée,
Et tu me devras au Seigneur.
Compte-moi ! car l’heure sonnée
Emporte avec elle une année,
En amène une autre demain.
Compte-moi ! car le temps me presse.
Compte-moi ! car je fuis sans cesse,
Et ne reviens jamais en vain. »


Seigneur, père des temps, maître des destinées,
Qui comptes comme un jour nos mille et mille années,
Et qui vois du sommet de ton éternité
Les jours qui ne sont plus, ceux qui n’ont pas été ;
Toi qui sais d’un regard, avant qu’il ait eu l’être,
Quel fruit porte en son sein le siècle qui va naître ;
Que m’apporte, ô mon Dieu, dans ses douteuses mains,
Ce temps qui fait l’espoir ou l’effroi des humains ?
À mes jours mélangés cette année ajoutée
Par l’amour et la grâce a-t-elle été comptée ?
Faut-il la saluer comme un présent de toi,
Ou lui dire en tremblant : « Passe, et fuis loin de moi ! »
Les autres tour à tour ont passé, les mains pleines
De désirs, de regrets, de larmes et de peines,
D’apparences sans corps trompant l’âme et les yeux,
De délices d’un jour et d’éternels adieux,