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Ô puissance de l’âme ! ô jeunesse éternelle
Qu’une douce mémoire en nos seins renouvelle !
Sur ma lyre, Ossian, je ne vois pas encor
Flotter mes cheveux blancs parmi ses cordes d’or ;
Mon cœur est tiède encor des feux de ma jeunesse ;
Je n’ai pas tes longs jours, j’ai déjà ta tristesse ;
Je parcours comme toi le champ de mes regrets !
Adorant comme toi les monts et les forêts,
J’aime à m’asseoir, aux bords des torrents de l’automne,
Sur le rocher battu par le flot monotone,
À suivre dans les airs la nue et l’aquilon,
À leur prêter des traits, un corps, une âme, un nom,
Et, d’êtres adorés m’en formant les images,
À dire aussi : Mon âme est avec les nuages !
Mais je ne chante plus ; les hommes de nos jours
À ta harpe elle-même, hélas ! resteraient sourds :
Trop pleins d’un avenir tout brillant de chimères,
Leurs yeux vers le passé ne se détournent guères.
Et si ma harpe encor, pour tromper mes ennuis,
Soupire pour moi seul dans l’ombre de mes nuits,
Ces chants dont ta douleur faisait son bien suprême
De leur écho plaintif m’importunent moi-même,
Et mon cœur redescend de cet oubli trop court,
Comme un poids soulevé qui retombe plus lourd !

Quel attrait cependant à ma lyre rebelle
Du fond de ma langueur aujourd’hui me rappelle ?
D’où vient qu’à mon insu, mariés à ma voix,
Les mots harmonieux s’enchaînent sous mes doigts,
Et qu’en mètres brillants ma verve cadencée
Comme un courant limpide emporte ma pensée ?
Ah ! c’est qu’une voix chère a retenti dans moi ;
C’est que le souvenir qui me rappelle à toi,