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Il regarde, et le jour se peint dans sa paupière ;
Il pense, et l’univers dans son âme apparaît ;
Il parle, et son accent, comme une autre lumière,
Va dans l’âme d’autrui se peindre trait pour trait.

Il se donne des sens qu’oublia la nature,
Jette un frein sur la vague au front capricieux,
Lance la mort au but que son calcul mesure,
Sonde avec un cristal les abîmes des cieux.

Il écrit, et les vents emportent sa pensée,
Qui va dans tous les lieux vivre et s’entretenir ;
Et son âme invisible, en traits vivants tracée,
Écoute le passé, qui parle à l’avenir !

Il fonde les cités, familles immortelles ;
Et pour les soutenir il élève les lois,
Qui, de ces monuments colonnes éternelles,
Du temple social se divisent le poids.

Après avoir conquis la nature, il soupire ;
Pour un plus noble prix sa vie a combattu ;
Et son cœur, vide encor, dédaignant son empire,
Pour s’égaler aux dieux inventa la vertu !

Il offre en souriant sa vie en sacrifice ;
Il se confie au Dieu que son œil ne voit pas ;
Coupable, a le remords qui venge la justice ;
Vertueux, une voix qui l’applaudit tout bas !

Plus grand que son destin, plus grand que la nature,
Ses besoins satisfaits ne lui suffisent pas ;
Son âme a des destins qu’aucun œil ne mesure,
Et des regards portant plus loin que le trépas.