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HARMONIES POÉTIQUES


Plus tard, battu par la tempête,
Déplorant l’absence ou la mort,
Que de fois j’appuyai ma tête
Sur le rocher d’où ton flot sort !

Dans mes mains cachant mon visage,
Je te regardais sans te voir,
Et, comme des gouttes d’orage,
Mes larmes troublaient ton miroir.

Mon cœur, pour exhaler sa peine,
Ne s’en fiait qu’à tes échos ;
Car tes sanglots, chère fontaine,
Semblaient répondre à mes sanglots.

Et maintenant je viens encore,
Mené par l’instinct d’autrefois,
Écouter ta chute sonore
Bruire à l’ombre des grands bois.

Mais les fugitives pensées
Ne suivent plus tes flots errants.
Comme ces feuilles dispersées
Que ton onde emporte aux torrents,

D’un monde qui les importune
Elles reviennent à ta voix,
Aux rayons muets de la lune,
Se recueillir au fond des bois.