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Guident, en gravitant dans ces immensités,
Cent planètes brûlant de leurs feux empruntés,
Et tiennent dans l’éther chacune autant de place
Que le soleil de l’homme en tournant en embrasse
Lui, sa lune, et sa terre, et l’astre du matin,
Et Saturne obscurci de son anneau lointain !
Oh ! que les cieux sont grands ! et que l’esprit de l’homme
Plie et tombe de haut, mon Dieu, quand il te nomme !
Quand, descendant du dôme où s’égaraient ses yeux,
Atome, il se mesure à l’infini des cieux,
Et que, de ta grandeur soupçonnant le prodige,
Son regard s’éblouit, et qu’il se dit : « Que suis-je ?
Oh ! que suis-je, Seigneur, devant les cieux et toi ?
De ton immensité le poids pèse sur moi,
Il m’égale au néant, il m’efface, il m’accable,
Et je m’estime moins qu’un de ces grains de sable ;
Car ce sable roulé par les flots inconstants,
S’il a moins d’étendue, hélas ! a plus de temps :
Il remplira toujours son vide dans l’espace,
Lorsque je n’aurai plus ni nom, ni temps, ni place.
Son sort est devant toi moins triste que le mien :
L’insensible néant ne sent pas qu’il n’est rien,
Il ne se ronge pas pour agrandir son être,
Il ne veut ni monter, ni juger, ni connaître ;
D’un immense désir il n’est point agité ;
Mort, il ne rêve pas une immortalité ;
Il n’a pas cette horreur de mon âme oppressée,
Car il ne porte pas le poids de ta pensée !
Hélas ! pourquoi si haut mes yeux ont-ils monté ?
J’étais heureux en bas dans mon obscurité,
Mon coin dans l’étendue et mon éclair de vie
Me paraissaient un sort presque digne d’envie ;
Je regardais d’en haut cette herbe : en comparant,
Je méprisais l’insecte et je me trouvais grand.