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De tes ennemis même enviée et chérie,
De tout ce qui naît grand ton ombre est la patrie !
Et l’esprit inquiet, qui dans l’antiquité
Remonte vers la gloire et vers la liberté,
Et l’esprit résigné qu’un jour plus pur inonde,
Qui, dédaignant ces dieux qu’adore en vain le monde,
Plus loin, plus haut encor, cherche un unique autel
Pour le Dieu véritable, unique, universel,
Le cœur plein tous les deux d’une tendresse amère,
T’adorent dans ta poudre, et te disent : « Ma mère ! »
Le vent, en ravissant tes os à ton cercueil,
Semble outrager la gloire et profaner le deuil !
De chaque monument qu’ouvre le soc de Rome,
On croit voir s’exhaler les mânes d’un grand homme ;
Et dans ce temple immense, où le Dieu du chrétien
Règne sur les débris du Jupiter païen,
Tout mortel en entrant prie, et sent mieux encore
Que ton temple appartient à tout ce qui l’adore !…

Sur tes monts glorieux chaque arbre qui périt,
Chaque rocher miné, chaque urne qui tarit,
Chaque fleur que le soc brise sur une tombe,
De tes sacrés débris chaque pierre qui tombe,
Au cœur des nations retentissent longtemps,
Comme un coup plus hardi de la hache du temps ;
Et tout ce qui flétrit ta majesté suprême
Semble en te dégradant nous dégrader nous-même !
Le malheur pour toi seule a doublé le respect ;
Tout cœur s’ouvre à ton nom, tout œil à ton aspect !
Ton soleil, trop brillant pour une humble paupière,
Semble épancher sur toi la gloire et la lumière ;
Et la voile qui vient de sillonner tes mers,
Quand tes grands horizons se montrent dans les airs,