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COMMENTAIRE


DE LA DOUZIÈME HARMONIE




Il y avait dans ce temps-là à Florence un Français, ancien proscrit de Toulon, que l’incendie de sa patrie et la crainte de l’échafaud révolutionnaire avaient jeté tout enfant avec sa famille en Toscane. C’était un homme d’une beauté noble et calme, une pensée douce incarnée dans une forme mâle et gracieuse à la fois. Ses yeux bleus et ses cheveux blonds, déjà légèrement teints de neige, rappelaient l’homme du Nord. Sa taille était élevée, ses membres souples, son costume soigné, quoique simple et révélant presque la gêne. Son accent était timbré, sonore, argentin, comme ces mots de métal dont la langue toscane est composée. Il n’avait jamais revu sa patrie depuis 1793.

Lorsque la restauration des Bourbons fut accomplie, on lui fit une petite pension d’émigré, dont il vécut. Il avait mangé jusque-là le pain de l’exil, que le Dante trouvait si amer. Quelques petits secours du gouvernement toscan lui étaient venus en aide. À l’époque où je le connus, il avait environ cinquante ans ; mais