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HARMONIES POÉTIQUES


Tu n’y vécus pas seul : sous des formes divines,
Tes apparitions peuplèrent ce beau lieu ;
Tu voyais tour à tour passer sur ces collines
L’esprit de la tempête et le souffle de Dieu.

Sans doute ils t’enseignaient ce sublime langage
Que parle la nature au cœur des malheureux :
Tu comprenais les vents, le tonnerre et l’orage,
Comme les éléments se comprennent entre eux.

L’esprit de la prière et de la solitude,
Qui plane sur les monts, les torrents et les bois,
Dans ce qu’aux yeux mortels la terre a de plus rude
Appela de tout temps des âmes de son choix.

« Venez, venez, » dit-il à l’amour qui regrette,
Au génie opprimé sous un ingrat oubli,
Au proscrit que son toit redemande et rejette,
Au cœur qui goûta tout et que rien n’a rempli ;

« Venez, enfants du ciel, orphelins sur la terre !
Il est encor pour vous un asile ici-bas.
Mes trésors sont cachés, ma joie est un mystère :
Le vulgaire l’admire et ne la comprend pas.

« Mais si votre œil pensif au ciel s’élève encore
Pour contempler la nuit qui se fond dans les airs ;
Si vous aimez à voir les étoiles éclore,
Ou la lune onduler dans la lame des mers ;