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Ô Dieu ! tu m’as donné d’entendre
Ce verbe, ou plutôt cet accord,
Tantôt majestueux et tendre,
Tantôt triste comme la mort !
Depuis ce jour, Seigneur, mon âme
Converse avec l’onde et la flamme,
Avec la tempête et la nuit :
Là chaque mot est une image,
Et je rougis de ce langage,
Dont la parole n’est qu’un bruit !






Ô terre, ô mer, ô nuit, que vous avez de charmes !
Miroir éblouissant d’éternelle beauté,
Pourquoi, pourquoi mes yeux se voilent-ils de larmes

Devant ce spectacle enchanté ?

Pourquoi devant ce ciel, devant ces flots qu’elle aime,
Mon âme sans chagrin gémit-elle en moi-même,

Jéhovah, beauté suprême ?

C’est qu’à travers ton œuvre elle a cru te saisir ;
C’est que de tes grandeurs l’ineffable harmonie
N’est qu’un premier degré de l’échelle infinie
Qu’elle s’élève à toi de désir en désir,
Et que plus elle monte, et plus elle mesure
L’abîme qui sépare et l’homme et la nature

De toi, mon Dieu, son seul soupir !


Noyez-vous donc, mes yeux, dans ces flots de tristesse ;
Soulève-toi, mon cœur, sous ce poids qui t’oppresse ;